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Apiculture

Qu’est ce que l’apiculture naturelle ?

L’abeille mellifère est apparue plusieurs millions d’années avant l’Homme. Et pendant très longtemps, Apis mellifera a évolué sans interagir avec l’être humain. Si on lui attribut souvent le nom commun d’abeille domestique, cet insecte de l’ordre des Hyménoptères et capable de vivre en toute indépendance. L’apiculture naturelle part de ce constat et mets en place des pratiques qui n’entravent pas le développement des colonies. Cet article ce propose d’en faire une brève présentation.

De l’abri à la ruche

Des peintures rupestres découvertes en Espagne attestent que les hommes se sont intéressés très tôt au miel des abeilles. Mais qu’ils n’étaient pas des apiculteurs, mais bien des cueilleurs de rayons. Les colonies d’abeilles étaient pillées et probablement détruites.

Les premières ruches sont apparues en Egypte il y a 4000 ans. Elles étaient de simples abris qui attiraient les essaims sauvages. Mais cette apiculture primitive n’a que peu de point commun avec celle que nous pratiquons de nos jour en Europe.

L’emploi en France des ruches en paille ou en osier a perduré jusqu’au récemment dans les campagnes et ce n’est qu’à partir du 18 ème siècle et progressivement que les ruches à cadres sont apparues, évitant l’étouffage des essaims et une exploitation facilité. Celles-ci reviennent à la mode, mais davantage comme ruches de biodiversité ou ruches de conservation.

Rucher osier
Par le passé, les ruches en osier – souvent recouverte d’argile – permettaient de garder des colonies d’abeilles jusqu’à l’extraction de leur miel. Source photographique : Pixabay.

L’objectif de l’apiculture actuelle est de permettre l’élevage permanent de colonies d’abeille et l’exploitation répétée de leur miel, sans pour autant passer par la destruction de la colonie.

L’apiculture intensive

L’apiculture intensive – qui est adoptée par la majorité des professionnel, mais aussi des amateurs – consiste à mettre en place un itinéraire technique favorisant la production de miel, souvent au dépend de la nature de l’abeille. Par exemple, le miel retiré à la colonie ne lui permettant pas de survivre en hiver, l’apiculteur à systématiquement recours au nourrissement par distribution de sirop en fin d’été ou de candi durant l’hiver.

Les abeilles utilisées en apiculture intensive sont souvent des sous-espèces introduites de l’étranger ou issus d’un travail de sélection. La race la plus connue est la Buckfast. Elle a été travaillée à partir de l’hybridation entre abeilles italiennes et abeilles noires anglaise. Il s’agissait pour le frère Adam, son sélectionner d’origine, de diffuser auprès des apiculteurs anglais, des lignées d’abeilles résistantes à l’acariose, une maladie qui avait ravagé les ruchers d’Angleterre au début du 20ème siècle.

Les procédés de l’apiculture intensive sont à l’origine de stress pour les colonies d’abeilles, mais aussi d’affaiblissement des colonies. Celles-ci sont d’autant plus vulnérables aux agents pathogènes et aux parasites.

Face à de redoutables maladies, les apiculteurs se tournent souvent vers des médicaments vétérinaires souvent toxiques. C’est la cas des préparations qui contiennent de l’amitraze un insecticide qui permet de lutter contre le varroa.

Les abeilles placées dans des conditions différentes du milieu naturel, et soumises à des prélèvements très importants de miel, sont fragilisées.

L’apiculture naturelle

Il existe bien entendu de nombreux types d’apicultures. Certains diront qu’il y a autant d’apicultures différentes qu’il n’y a d’apiculteurs. On trouvera alors des pratiques plus ou moins intensives et d’autres plus ou moins naturelles. Mais lorsqu’il s’agit d’apiculture naturelle assumée, l’apiculteur aura toujours pour volonté de placer l’abeille “au centre” de l’apiculture.

L’apiculture naturelle limite les interventions sur les colonies au strict nécessaire. Car chaque visite entraine un stress et parfois des dégâts du le couvain. Les oeufs, larves et nymphes sont en effet des stages de développement particulièrement sensibles aux écarts de températures. En ouvrant une ruche, l’apiculteur rompt l’équilibre qui permet de stabiliser la température du couvain aux environs de 35 °C L’observation de la vitalité de la colonie se fait – pour l’apiculteur expérimenté – à l’observation de l’activité sur la planche d’envol !

Pour faire connaissance avec l’apiculture naturelle, mais sans avoir la prétention de résumer ce paradigme apicole en quelques paragraphes, voici quelques aspects propres à cette pratique.

Utiliser des ruches mieux adaptées

Dans les régions aux climats tempérés, les nids des abeilles sauvages sont généralement construits dans des cavités naturelles, comme les trous des arbres ou des anfractuosité sur des falaises rocheuses. Mais les cavités appropriées sont rares dans la nature. Elles sont de volume très divers et leur trou d’envol a aussi des orientations variables. Pour offrir des conditions optimales pour la colonie et de développement du couvain, la ruche doit s’inspirer de l’habitat des abeilles.

En France, les ruches les plus communément employées par les apiculteurs amateurs, comme par les apiculteurs professionnels, sont les modèles Dadant et Langstroth, dans leurs variantes à 10 cadres. Ces ruches ont été étudiées pour répondre aux exigences techniques et économique d’une apiculture intensive. Elles répondent bien aux contraintes de la transhumance, car elles sont suffisamment légères pour être transportées d’un rucher à un autre.

Mais l’apiculteur amateur pratique généralement une apiculture sédentaire. C’est-à-dire que ces colonies restent au même emplacement durant toute l’année et d’une année sur l’autre. Il n’a pas forcément besoin d’une ruche légère ou qui s’empile facilement sur d’autres ruches.

Dans une optique d’apiculture naturelle d’autres modèles de ruches peuvent être utilisés et se substituer à la ruche Dadant et à la ruche Langstroth. En voici quelques unes.

La ruche kenyane

Il s’agit d’un modèle de ruche horizontale inspiré des ruches traditionnelles d’Afrique de l’Est. Les abeilles bâtissent leurs rayons de cire à partir de barrettes placées les unes à côté des autres.

La ruche tronc

Comme son nom l’indique, cette ruche est creusée dans une portion d’un tronc d’arbre. Les ruches troncs sont les ruches traditionnelles des Cévennes, de Corse, de Galice et de certaines vallées alpines. En France, les ruches troncs étaient souvent construites dans du bois de châtaignier. Ce bois est réputé très résistant à la putréfaction et certaines ruches peuvent être parfaitement fonctionnelles durant plus d’un siècle. La ruche est fermée au dessus et en dessous par deux plaques de pierre de schiste.

Les ruches troncs offrent aux abeilles des conditions très proches d’un gîte naturel. L’isolation thermique est notamment meilleure que celle des ruches aux parois peu épaisses. Les abeilles dépensent moins d’énergie pour refroidir le couvain en été et garder la grappe suffisamment chaude durant l’hiver.

Pour en savoir davantage sur la ruche tronc consultez l’article consacré du blog “Un rucher au jardin”.

La ruche solaire

Il s’agit de ruches en terre cuite. De forme ovoïde, elle prend en compte la surface d’échange technique avec l’extérieur. Elle bénéficie aussi de l’ensoleillement pour le réchauffement de la grappe d’abeilles.

La ruche Warré

Cette ruche a été pensée et créée par l’abbé Warré à partir de l’étude des colonies d’abeilles à l’état naturel. Dans a ruche Warré, les abeilles construisent leurs rayons de cire sur des cadres ou bien sur des barettes. Et le corps de ruche peut-être complété par une ou plusieurs hausses afin que les abeilles stockent leur miel.

La ruche Warré s’adapte bien à une apiculture familiale, car elle est facile et peu onéreuse à construire. L’abbé Warré avait en effet comme objectif que chaque famille puisse ainsi récolter facilement le miel de ses propres ruches.

La ruche Dadant 12 cadres

La version 12 cadres de la Dadant est celle que l’on trouvait communément par le passé. Par la suite, le choix des apiculteurs professionnels s’est porté vers la configuration à 10 cadres pour répondre aux contraintes de la transhumance. Une ruche Dadant à 12 cadres est forcément plus lourde à transporter pour un apiculteur. Ainsi, les détaillants en matériel d’apiculture propose souvent la Dadant 10 cadres et c’est sans doute pour cela que les amateurs l’on adoptés à leur tour.

Les abeilles trouvent davantage d’espace dans le corps de ruche de la Dadant 12 cadres. En plus de développer leur couvain, elles seront en mesure de stocker davantage de miel pour un hivernage optimale. Cette ruche a la préférence des apiculteurs des régions alpines où les hivers longs et froids sont la norme.

Laisser les abeilles fabriquer leurs rayons de cires

En apiculture intensive, la pose de cire gaufrée sur les cadres à pour objectif de faire réaliser des économies aux abeilles. Elles auront moins de cire à produire, et consommeront alors moins d’énergie et moins de nourriture pour bâtir leurs rayons. En effet, les abeilles consomment 10 kilogrammes de miel et un kilogramme de pollen pour fabriquer un kilogramme de cire ! En fournissant des cadres de cire gaufrée, les apiculteurs peuvent espérer récolter davantage de miel.

Les feuilles de cires gaufrées ne sont plus employées en apiculture naturelle. Les abeilles vont donc produire toute la cire de leurs rayons. Mais certains apiculteurs placent des amorces de quelques centimètres sur le haut des cadres. Ceci permet de stimuler la construction, mais aussi d’obtenir des rayons droits, plus facile à manipuler pour en extraire le miel.

L’introduction de cire gaufrée étrangère à la colonie présente le risque d’introduire des agents pathogènes et notamment des spores de la redoutable bactérie responsable de la loque américaine. De plus, ces cires dont on ne connaît généralement pas l’origine, contiennent souvent des taux importants de pesticides. La cire produite par les glandes cirières de abeilles concentre de nombreux éléments toxiques collecté par les butineuses.

De plus les plaques de cires gaufrées orientent davantage vers la production d’alvéoles à ouvrières. Les alvéoles des faux-bourdons, c’est-à-dire les mâles chez les abeilles, sont plus larges et moins souvent produites sur les cires gaufrées. Les abeilles qui produisent entièrement leurs rayons de cire vont alors réguler d’elles-mêmes la proportion des alvéoles d’ouvrières et de faux-bourdons.

Ne pas nourrir les abeilles avec des préparations à base de sucre

Les colonies d’abeilles qui ont été délestées de très grandes quantités de miel doivent bien souvent être nourris avec du sirop ou du candi, pour passer l’hiver. Ces aliments se composent de saccharose, de fructose et de glucose, les glucides que l’on retrouve dans le nectar des fleurs. Mais tous les éléments nutritifs ne sont pas présents.

L’apiculteur qui pratique une apiculture naturelle prendra soin de moins prélever de miel sur ses ruches, afin de permettre aux colonies de passer l’hiver sur leurs propres réserves de miel. Ce dernier est d’un point de vue nutritif, beaucoup plus adapté à la nutrition de l’abeille. Il n’est donc pas prévu de faire des nourrissements en sirop et en candy. Néanmoins, lorsque les circonstances sont exceptionnelles il faudra avec recours à ces compléments, sans quoi les colonies sans réserves ne survivront pas.

Pratiquer une sélection naturelle et favoriser la diversité génétique

L’abeille – contrairement aux autres animaux d’élevage – est en constante interaction avec son environnement. L’aire de butinage d’une colonie s’étend sur un rayon de 1 à 2 kilomètres autour de son nid, et même au delà en fonction des opportunités florales.

L’abeille doit donc être adaptée à un contexte environnemental local, mais aussi à un climat régional particulier. Il convient alors d’accorder une préférence à la sous-espèce endémique et si possible à l’écotype régional. L’abeille noire se décline ainsi en plusieurs écotypes : corse, provençal, cévenol, des landes,…

L’apiculture naturelle favorise la richesse génétique en privilégiant la fécondation naturelle des reines. Les accouplements chez les abeilles se produisent durant les vols nuptiaux. Chaque reine au début de sa vie s’accouple avec plusieurs mâles et ainsi engendre une descendance diversifiée. Les ouvrières sont les filles de la reine, mais elles n’ont pas toutes le même père.

Le rucher en apiculture naturelle devient indépendant. Chaque année, les essaims sont récupérés et logés dans des ruches. L’apiculteur n’emploie que rarement des reines ou des essaims acquis auprès d’éleveurs.

La conservation de l’abeille noire est l’un des grand enjeux de l’apiculture naturelle. Et les ruchers viennent alors en renfort à la préservation de cet insecte menacé.

Face à la raréfaction de l’abeille noire, il est tout à fait opportun de déployer des méthodes scientifiques pour sélectionner les variantes de l’abeille locale et de les conserver au sein de conservatoires. Pour en savoir davantage sur les mesures de conservation, consultez l’article suivant https://www.ecobuddhism.org/abeille-noire.

Ne pas entraver l’essaimage

Le clippage des reines n’est pas pratiqué en apiculture naturelle. Cette pratique consiste à couper l’extrémité d’une aile de la reine. Celle-ci est donc incapable de quitter la ruche durant l’essaimage. L’essaim ne quitte alors pas sa ruche.

En plus de s’opposer à son envol, l’expérience tant à montrer que le clippage réduit souvent l’espérance de vie de la reine. L’aile est une structure vivante parcourue de nervures. La blessure provoquée est une porte d’entrée pour des bactéries et autres agents pathogènes.

L’essaimage est le mode de multiplication des colonies. Mais bien souvent l’apiculteur tend à éviter les fièvre d’essaimage pour ne pas voir ces ruches se dépeupler.

Employer des traitements naturels

La présence du varroa dans la plupart des ruchers européens est un grave problème pour l’apiculture et la conservation des populations sauvages d’Apis mellifera.

En apiculture naturelle, des traitements naturels sont préférés aux insecticides de synthèse comme l’amitraze. Le varroa est en effet sensible aux huiles essentiels de thym et d’eucalyptus. Mais aussi à des acides organiques, comme l’acide formique et l’acide oxalique.

L’emploi de ces molécules demandent des connaissances précises du cycle des abeilles et des parasites que l’on souhaite éliminer. Il faudra se former à leur usage et respecter des précautions d’utilisation. Les acides organiques sous leur forme concentrée peuvent être dangereux pour les abeilles et pour l’apiculteur.

Il faut pour mener à bien une lutte contre le varrao, réaliser des comptages sur les colonies. On détermine aussi le moment du traitement, puis son efficacité par un nouveau dénombrement.

Une apiculture naturelle et professionnelle est-elle possible ?

En France, l’apiculture professionnelle doit faire face à la concurrence des miels importés, mais aussi à la difficulté croissante pour conserver des ruchers productifs et en bonne santé. En effet, aux parasites et les prédateurs s’ajoutent un environnement à la flore moins abondante et moins diversifiée, et bien souvent pollué par les intrants agricoles, tels que les insecticides. Dans un contexte difficile pour la survie des abeilles et notamment de la sous-espèce endémique, l’abeille noire, il peut sembler difficile pour l’apiculteur professionnel de se tourner vers l’apiculture naturelle.

L’apiculture naturelle vise à être une apiculture durable, mais aussi une activité agricole intégrée à l’environnement et aux autres systèmes de production. Les abeilles mellifères sont des pollinisateurs qui jouent un rôle importants dans le maintien des rendements. De nombreuses espèces végétales sont dépendantes de la pollinisation pour produire leurs fruits et leurs graines. Et on estime que les retombées économique de l’apiculture sont dix fois plus importantes pour l’arboriculteur que pour l’apiculteur.