L’apiculture est l’élevage des abeilles. Qui dit élevage dit placer dans un système d’exploitation des animaux domestiques ou sauvages. Dans un élevage l’Homme prend soin des animaux tout au long de leur cycle de vie. Il va s’assurer que ces êtres vivants bénéficient des meilleures conditions possibles pour vivre et se reproduire. L’apiculteur va surveiller ses abeilles, comme un éleveur fait pour son cheptel. L’une de ses préoccupations est de surveiller que ses abeilles disposent de suffisamment de réserves alimentaires. Dans le cas contraire et pour la survie de la colonie, il devra pratique un nourrissement. Cet article propose de présenter pourquoi, avec quoi et comment nourrir ses abeilles. Nous vous souhaitons une bonne lecture.
Pourquoi nourrir ses abeilles ?
Les abeilles mellifères (Apis mellifera) sont apparues sur terre, il y a plusieurs centaines de milliers d’années. L’apiculture dans sa forme primitive à plusieurs milliers d’années, comme l’atteste les hiéroglyphes égyptiens. L’apiculture moderne comme nous la pratiquons remonte au XIXème siècle. Autant dire que les abeilles se sont débrouillées seules – sans l’aide de l’Homme – pendant très longtemps. Et que les colonies sauvages – malmenées par les varroas et les frelons asiatique – survivent sans intervention humaine. Alors pourquoi nourrir ses abeilles alors qu’elles peuvent se débrouiller ?
Comme nous l’avons précisé en introduction, l’apiculture est une pratique d’élevage. L’apiculteur va placer ses insectes dans une ruche et souvent extraire du miel et d’autres produits apicoles (cire, propolis, gelée royale,…). Cette situation n’est pas naturelle pour les abeilles. L’être humain et ses besoins s’additionnent aux contraintes environnementales. Il faut donc s’attendre à intervenir pour maintenir ce nouvel équilibre. Le nourrissement est l’une des actions qui va permettre de maintenir les colonies d’abeille en ruche pendant plusieurs années.
Les abeilles pourront avoir besoin de recevoir d’un complément alimentaire dans les cas suivants :
- La colonie subit une disette
- Pour stimuler la ponte de la reine
- Un essaim naturel vient d’être placé dans une ruche
- Après récolte de miel, une colonie à des réserves diminuées
- Durant l’hiver ou au début du printemps, les réserves de miel risquent de manquer
Mais la colonie peut aussi avoir besoin du secours de l’apiculteur, lorsque la ruche est assiégée par les frelons asiatiques.
Avec quoi nourrir les abeilles ?
Les abeilles sont des Hyménoptères qui s’alimentent seulement de ressources végétales et d’eau. Les aliments consommés sont le nectar, le miellat et le pollen.
Les glucides
Le nectar et le miellat sont des liquides riches en glucides. Ces sources d’énergie peuvent être consommées directement par les butineuses ou bien transformées en miel. Les glucides sont une source d’énergie vitale pour les abeilles. Ils permettent aux abeilles de se déplacer, mais aussi de réchauffer le nid. Rappelons que le couvain (oeufs, larves et nymphes) a besoin d’une température stable de 35 °C. Et durant l’hiver, les abeilles se rassemblent pour former une grappe. Ce réseau organisé va aussi produire de la chaleur pour que la colonie et sa reine survivent au froid.
Les glucides nécessaires sont le glucose, le fructose et le saccharose. Ces sucres sont ceux présents dans le nectar et l’abeille les digère très bien. D’autres sucres peuvent se retrouver dans le nectar et le miellat, mais ils sont moins digestes. Les sucres complexes comme l’amidon ne sont pas digérés et les abeilles peuvent être malades suite à leur absorption.
Les acides aminés, protides et protéines
Le pollen est la principale source de protéines, de protides et d’acides aminés.
Il existe différentes qualités de pollen. Les espèces qui fleurissent au printemps produisent souvent des pollen riches en protéines. Davantage que les espèces qui fleurissent en été et à l’automne. Les protéines sont très importantes pour le développement et la croissance des larves.
Les besoins des abeilles sont bien connus par les apiculteurs. Et ils savent aussi évaluer en inspectant les cadres de leurs ruches, quel est l’état des réserves. En cas de manque, ils vont procéder au nourrissement.
Les lipides
Il s’agit des graisses et des huiles végétales que les abeilles retrouvent également dans le pollen. Ces substances sont très attractives et les abeilles apprécient les pollens qui sont suffisamment gras. C’est l’un des critère de choix pour les butineuses.
Les lipides sont des éléments qui vont constituer les cellules. Mais ils peuvent aussi être convertis en énergie.
Comment nourrir les abeilles ?
Le nourrissement le plus fréquent est l’apport de sucres. Car si les abeilles peuvent survivre quelques jours ou semaines avec peu ou pas de pollen, un manque de sucre est fatal.
Les sucres sont apportés par des sirops ou bien par des pains de candi.
La vidéo suivante présente deux formes de nourrissement : l’apport de sirop et l’apport d’un pâte protéinée.
Comment préparer du sirop de nourrissement ?
Les sirops de nourrissement peuvent être préparés chez soi très facilement. Le sirop concentré est obtenu en mélangeant un kilogramme de sucre blanc raffiné (attention, le sucre roux contient des fibres non digestes) avec un litre d’eau très chaude. Un fois le sucre dilué dans l’eau, on ajoute une cuillère à soupe de vinaigre de cidre. Le sirop ainsi acidifié sera plus digeste et se conservera mieux.
Si vous ne voulez pas préparer vous même du sirop de nourrissement, il est possible d’en trouver dans le commerce spécialisé. Les conditionnements sont de quelques kilogrammes. Les professionnels peuvent se faire livrer par camion citerne.
Comment le distribuer aux abeilles ?
Le sirop de nourrissement est donné tiède (30 à 40 °C) aux abeilles dans un nourrisseur. Il s’agit d’un élément que l’on dispose généralement entre le toit de la ruche et le dessus des cadres. Les nourrisseurs sont parfois aussi des couvres-cadres. La distribution du sirop doit se faire à la tombée de la nuit. C’est très important, car les abeilles des alentours sont attirées par l’odeur du saccharose. Il en résulte alors un pillage de la ruche par des abeilles étrangères.
Comment apporter des protéines aux abeilles ?
Généralement, les colonies d’abeilles des petits ruchers ne souffrent pas de carence en protéines. Cela peut être le cas toutefois si l’environnement est pauvre en diversité botanique.
Par contre, les ruchers qui comptent plusieurs dizaines de ruches peuvent s’exposer à des manques en protéines. L’aire de butinage étant trop exploitée.
Dans ce cas – mais aussi si l’on souhaite pratiquer l’élevage des reines – il est nécessaire de faire un apport de protéines sous la forme de pâtes protéinées. Ces pâtes sont en vente dans les commerces spécialisés. Il est aussi possible de les préparer soi-même en utilisant des ingrédients comme le pollen ou la levure de bière.
Nourrissement pour stimuler la ponte, la production de cire et en cas de disette
Le sirop est distribué sous une forme dilué à moitié (on parle de sirop 50/50) pour stimuler la ponte de la reine, couvrir une disette ou stimuler la production de cire par les ouvrières. Les apports sont de 250 mL par ruche et par jour, pendant plusieurs jours. Ce type de distribution permet de simuler une miellée abondante.
Si l’on souhaite préparer ses colonies à de futures miellées, il faut faire des apports en sirop au plus tard 40 jours avant les floraisons. Cette durée de 40 jours correspond au temps qui sépare la ponte de l’envol de la butineuse :
- Les stades oeuf, larve et nymphe dure une vingtaine de jours
- Les jeunes ouvrières restent dans le nid vingt jours avant de devenir butineuse
Ce nourrissement de préparation des colonies à une miellée est nommé nourrissement spéculatif.
Nourrissement pour reconstituer les réserves d’une colonie avant l’hivernage
Lorsqu’il s’agit de reconstituer les réserves d’une colonie pour la préparer à passer l’hiver, on distribue entre août et début octobre des quantités plus importantes de sirop non dilué (on parle de sirop lourd). On peut donner jusqu’à 2 litres de sirop par colonie et par jour. Le but étant de donner autant le sirop d’une colonie est capable d’en prendre au cours de la nuit. Rappelez-vous que l’on doit éviter le pillage et qu’il ne doit rien rester le lendemain matin dans le nourrisseur.
Les apports sont répétés deux à cinq fois en l’espace de quelques jours ou semaines. Dans le nord de la France ou en Belgique, les apiculteurs professionnels peuvent donner entre 10 et 15 kilogrammes de sirop par ruche ! Si l’on prélève peu de miel, on pourra réduire l’apport entre deux et cinq kilogrammes. Mais c’est en pesant une ruche que l’on se rassurera. Une ruche Dadant 10 cadres devra faire entre trente et quarante kilogrammes en automne. Ce poids correspond à celui des abeilles, le bois et les équipements de la ruche et enfin des cires remplies de miel.
Le sirop ainsi apporté en quantité massive sera en grande partie stocké par les abeilles dans les alvéoles. C’est une activité qui demande de l’énergie et une colonie suffisamment forte. Il est donc important de donner ce sirop tant que le temps est suffisamment chaud. Après la mi-octobre les réserves devront être suffisantes.
Nourrissement durant l’hiver
L’hiver les butineuses sortent rarement ou jamais. Mais les milliers d’ouvrières qui restent dans le nid on besoin de nourriture pour suivre. Si les réserves sont suffisantes, les abeilles vont consommer leur miel stocké sur les rayons de cire. Elles auront sans doute suffisamment de sucres suite au nourrissement de fin d’été.
Le nourrissement en hiver ne se fait pas sous la forme de sirop. On utilise des pains de candi que l’on place directement au dessus des cadres, afin que les ouvrières puissent y accéder facilement et s’alimenter. En cette période froide, les abeilles se déplacent très peu et se refroidissent vite lorsqu’elles quittent la grappe.
Nourrissement au début du printemps
Beaucoup d’apiculteurs pensent que la plus dure est passé lorsque les butineuses reprennent leurs sorties au début du printemps. Mais c’est bien souvent une période critique. En effet, la reine a repris la ponte et le couvain à besoin de chaleur. Les dépenses énergétiques augmentent beaucoup, mais les apports en nectar sont souvent insuffisants.
Tant que les températures restent basses durant la nuit, il faudra poursuivre les nourrissements en plaçant des pains de candi. On devra renouveler les apports en candi.
Nourrissement pour faire face aux frelons asiatiques
Les frelons asiatiques menacent les colonies d’abeille à partir du mois de juillet. Et la pression augmente progressivement jusqu’à atteindre un maximum en automne.
Lorsque les colonies sont assiégées par des frelons asiatiques, les butineuses en état de stress font des sorties moins nombreuses. Elles apportent moins de pollen et de nectar. Dans les cas extrêmes, les colonies peuvent mourrir de faim.
Lorsque la pression du frelon asiatique est trop importante, il est conseillé d’apporter des nourrissements sous la forme de sirop dilué à moitié et de pâte protéinée. Ainsi les abeilles peuvent survivre et poursuivre l’élevage du couvain.
Pourquoi ne pas utiliser du miel ?
Bien entendu, le miel est le meilleur aliment pour apporter des glucides aux abeilles. Il est possible de stocker des cadres remplis de miel et de les donner aux colonies qui en ont besoin avant l’hiver ou durant une période de disette. Mais il est dangereux d’utiliser du miel en provenance d’autres ruchers. Le miel que l’on retrouve dans le commerce contient souvent des spores de microorganismes. L’un des germes les plus dangereux provoquent la loque américaine, une maladie est détruit les couvain.
Les protéines pourront aussi être apportées par le pollen que les abeilles emmagasinent dans les alvéoles : le pain d’abeille. Le pollen se conserve moins bien que le miel. Il est préférable de placer les cadres qui en contiennent au congélateur.
Avec ou contre la nature ?
Les apiculteurs professionnels doivent avoir recours au nourrissement pour reconstituer les réserves de leur colonie. Car plusieurs dizaines de kilogrammes de miel sont extraits chaque année. C’est un apport nécessaire pour la pérennité de leurs colonies, mais aussi de leur entreprise. Par contre, l’apiculteur amateur aura plus de liberté dans ses choix. Il pourra ou non pratiquer le nourrissement spéculatif. Mais il devra toujours veiller à la survie de ses colonies durant l’hiver. Sans oublier que le contexte sanitaire complexe (varroa et frelon asiatique) nécessite de soutenir des colonies souvent affaiblies en fin de saison.
Un bon programme de nourrissement pour un apiculteur amateur aura pour but de :
- Maintenir ses abeilles en bonne santé
- Garantir une longévité aux abeilles d’hiver
- Préparer les jeunes colonies à leur premier hiver
Nous espérons que cet article aura répondu à certaines de vos questions sur le nourrissement. Nous vous souhaitons une bonne apiculture.